Ancienne Abbaye de Preuilly – Samedi 28 février 2009
Réunion fondatrice du Centre d’étude et de recherche de l’Abbaye de Preuilly
I Présentation
Patricia Husson, fondatrice de l’ARAP
Je suis très touchée de voir que vous avez répondu si favorablement à notre invitation. Nous sommes très heureux de vous accueillir pour cette première rencontre.
Si vous le permettez, j’aimerais me présenter, car je ne suis pas certaine que vous parveniez à situer chaque membre de notre nombreuse famille.
Je m’appelle Patricia Husson. Avec mon mari, Roby, nous avons le privilège d’être, pour notre génération, les gardiens de ce lieu historique, qui est devenu depuis 180 ans une demeure familiale.
Pourquoi je dis gardiens ? Je pourrais dire responsables également. Car, avant nous, les générations se sont très affectivement impliquées dans Preuilly. Tout d’abord dans l’arrêt de la démolition de l’Abbaye, puis, à chaque époque, dans la sauvegarde de ce lieu.
Nous nous efforçons, Roby et moi, depuis plus de 30 ans d’assumer notre rôle à notre tour, avec beaucoup d’enthousiasme. C’est cette chaîne d’actions, au fil du temps, qui nous permet de vous recevoir aujourd’hui.
Pour que les générations futures puissent, à leur tour, apporter leur pierre à l’édifice, il nous a paru indispensable, dans le monde d’aujourd’hui, d’organiser cette action individuelle et familiale en créant une structure ; cette structure c’est l’ARAP, l’Association pour le Rayonnement de l’Abbaye de Preuilly.
Et c’est au sein de l’ARAP que va prendre place le CERAP, le Centre d’étude et de recherche de l’Abbaye de Preuilly, que Chantal, ma belle-soeur, va vous présenter.
Notre famille, à Preuilly, a surtout , gardé de l’héritage cistercien, les traditions religieuses et les valeurs du travail manuel, avec l’agriculture depuis toujours, et plus récemment avec l’élevage de chevaux de concours hippiques.
Avec l’aide de mon beau-frère, Yves, et celle de Chantal, nous avons pensé à redonner à ce lieu un peu de sa dimension culturelle, avec votre collaboration et avec votre aide, et de sa dimension artistique aussi, avec le projet d’un catalogue numérique,
qui serait un répertoire des artisans d’art français, une idée que nous aimerions étendre à toute l’Europe, par le biais des abbayes cisterciennes.
Ce projet me tient particulièrement à cœur : mettre Preuilly, ce lieu privilégié, à la disposition de l’excellence française. C’est une idée qui a trouvé son aboutissement à l’occasion d’une rencontre avec Monsieur Jean Louis Quignaux, qui est ici avec nous, aujourd’hui.
Monsieur Quignaux est un artisan, fils d’artisan, tailleur de pierre. Quand je l’ai rencontré, nous avons longuement discuté de son métier. Il m’en a parlé avec amour et en l’écoutant j’ai pensé que ce projet, que nous avions depuis longtemps avec ma famille, pouvait prendre corps. Parce qu’il s’agit aussi d’une aventure humaine. Vous rencontrez quelqu’un, vous avez envie de l’aider, de le faire entrer dans un réseau, de connaître ses amis, ceux avec qui il travaille, de le faire connaître, lui, à vos amis, à vos relations, en témoignant de la qualité, de l’excellence de son travail.
Il y a tout un projet passionnant à concrétiser, pour mettre en relation ceux qui ont le désir de réhabiliter un monument, un château, une demeure familiale, qui ne savent pas où trouver des artisans compétents et disponibles, et ces mêmes artisans qui, de leur côté, ont quelquefois du mal à se faire connaître.
L’élaboration d’un catalogue numérique, disponible via internet permettrait en un clic de trouver ces artisans, leurs coordonnées et des exemples de leur savoir faire et de leurs réalisations.
Nous pensons bien-sûr aux artisans de notre région que nous aimerions faire connaître, mais, grâce à la collaboration des abbayes cisterciennes, nous pourrions étendre ce recensement à toute la France et même à toute l’Europe. Chaque région, chaque pays a des savoir-faire, des traditions, nous pourrions retrouver sur un même catalogue les noms de tous ceux qui sont prêts à défendre leur métier, à nous le faire aimer, à montrer ce que leurs parents ont réalisé avant eux, avec un maître mot : l’excellence.
Merci.
Yves Husson, Président de l’ARAP
C’est en qualité de Président de l’ARAP, que je veux simplement préciser l’attachement de la famille, à notre berceau qu’est Preuilly, mais aussi, au-delà, à tout le monde cistercien. Le lien est profondément affectif, plus qu’intellectuel, même si je suis momentanément dépositaire des archives familiales.
Jusqu’ici notre lien avec la Charte, maintenant européenne, des Abbayes et sites cisterciens, pour solide qu’il était, restait informel à travers « Les Amis de Preuilly » et je remercie le Président Leroux pour toutes les rencontres auxquelles il nous été donné de participer et pour le profond enrichissement que nous a apporté la Charte.
Longue vie donc au CERAP.
Les Amis de Preuilly ne sont pas morts, au contraire, simplement plus matures, avec vous, et grâce à vous. Merci beaucoup à vous tous d’être présents, de nous avoir rejoints pour ce baptême du CERAP, dont vous êtes, si j’ose dire, les parrains et marraines, et merci aussi aux autres personnalités que nous avons contactées et qui nous ont manifesté leur soutien mais sont retenues ailleurs et empêchées d’être parmi nous.
Chantal Fouché-Husson, Directrice du CERAP
Parmi ces personnalités, citons Monsieur Jean-Luc Dauphin du Conseil général de l’Yonne, Madame Rambaud, Conservateur général des archives de Seine et Marne, Madame Rosine de Charon de la Direction des affaires culturelles d’Ile de France, qui a beaucoup oeuvré pour le classement de Preuilly, Jacques Moulin aussi, architecte en chef des monuments historiques, très attentif à la restauration de Preuilly, et Madame Brigitte de Chancel Bardelot conservateur des Musées de Bourges.
Parmi les universitaires je citerai Pierre Brunel, professeur au Collège de France, occupé aujourd’hui à parrainer une université populaire dans le Massif central (les universitaires ne sont pas toujours enfermés dans leurs bureaux), Dominique Millet Gérard Marielle Lamy (La Sorbonne) et Catherine Vincent (Nanterre), toutes trois spécialistes de la spiritualité médiévale . Arnaud Timbert aussi (Lille) qui a dirigé les travaux de Nadège Payen sur Preuilly.
Je veux aussi remercier enfin de leur bienveillance les responsables d’abbayes, et parmi eux, le plus éminent, Dom Quénardel, Père Abbé de Cîteaux.
Merci et bienvenue à vous qui êtes venus jusqu’à nous, Monsieur le Ministre Christian Jacob, Monsieur Lionel Walker représentant le Conseil Général de Seine & Marne, Monsieur Jacques Ballot, conseiller général de notre canton, Madame le maire d’Egligny,
Madame le maire-adjoint de Donnemarie-Dontilly, Messieurs les maires de Montigny Lencoup et de Sigy, Mesdames et Messieurs les universitaires et personnalités culturelles.
Qu’est-ce que le CERAP ?
Il me revient le plaisir de vous présenter le Centre d’étude et de recherche de l’Abbaye de Preuilly.
Pour donner au CERAP une existence concrète il nous a fallu préciser les conditions de son fonctionnement.
Car, et vous avez peut-être pu vous en rendre compte au cours de la visite ce matin, une activité professionnelle intense s’est développée à Preuilly et elle n’est pas compatible avec une ouverture du domaine, totale et permanente. Le haras en particulier nécessite beaucoup de calme autour de ces superbes animaux. Nous ne pouvons donc pas, non plus, organiser des activités culturelles régulières comme celles qui font le rayonnement exemplaire de Clairvaux ou de Pontigny. Nous avons donc décidé de proposer un accueil sur mesure, destiné à un public sensible à l’esprit monastique et à la vie de l’esprit.
A ceux qui voudront contribuer à ses travaux, quel que soit leur âge, leur niveau et leur pays d’origine, le CERAP pourra bientôt offrir des résidences, les travaux d’aménagement sont en cours et seront bientôt terminés. Par son calme quasi monacal, Preuilly est un espace propice au travail, au centre d’une région où les trésors culturels abondent : Troyes, Provins, Auxerre ou Paris… et nous espérons attirer les chercheurs de tous pays et de tous niveaux, universitaires ou non.
Quels sont nos champs de recherche ?
Nous souhaitons développer une recherche approfondie sur l’histoire du monastère, cinquième fille de Cîteaux, depuis sa fondation en 1118, jusqu’à la dispersion des moines en 1792. Nous pourrions ainsi apporter notre contribution à la Charte et lui rendre un peu de tout ce qu’elle nous a donné.
Nous ne partons pas de rien, plusieurs études ont été menées à bien sur Preuilly.
– L’étude incontournable de la Marquise de Maillé et le cartulaire d’Albert Catel et Maurice Lecomte, ouvrages de référence qui ont fait date.
– La thèse de Nathalie Picard sous la direction de François Blary.
– Celle de Nadège Payen sous la direction d’Arnaud Timbert.
– Et, à ce jour, une douzaine de publications, dont celles de Denis Cailleaux et de Gilbert Delahaye.
– Enfin, pendant plusieurs années, notre famille s’est appliquée à retracer l’histoire de Preuilly-propriété privée, de 1792 à 2008. Plusieurs fascicules ont été rédigés sur cette période.
Beaucoup d’autres aspects peuvent être explorés. Nous ne savons rien, pour l’instant, des relations des moines de Preuilly avec le pouvoir politique. Nous ne savons rien, ou presque, des relations des réguliers de Preuilly avec les séculiers, et de la situation du monastère par rapport aux paroisses.
« Preuilly et ses filles » est une histoire à écrire, nous en avons trois, et je remercie ici nos amies de Vauluisant, notre fille première.
Nous aimerions connaître ce qu’a été la présence de Preuilly dans son environnement social. Monsieur Benoit aura certainement des choses à nous dire là-dessus.
Mais nous voulons aussi donner à Preuilly un relief particulier en développant un champ de recherche qui lui soit propre. Il est important de mettre en lumière l’originalité de chaque abbaye plutôt que de répéter toujours la même chose à propos de chacune. Or, dès le XVe siècle, Preuilly s’est illustrée par un pèlerinage à Notre Dame qui attire encore aujourd’hui de très nombreux fidèles. Cela justifie le choix d’une étude sur l’iconographie mariale.
Une recherche sur l’iconographie mariale permettrait de recentrer les diverses illustrations de ce thème autour de Bernard de Clairvaux, initiateur de la dévotion mariale au Moyen-âge. C’est à lui que nous devons le Salve Regina que nous chantons aujourd’hui encore dans notre petite chapelle.
Nous savons aussi que les monastères cisterciens ont tous été dédiés à la Vierge Marie. On se souvient de cette miniature où l’on voit Etienne Harding, Abbé de Cîteaux, et le Père Abbé de Saint Waast qui présentent les maquettes de leur abbaye respective à la Vierge Marie qui, de loin, donne sa bénédiction. Ou encore cette superbe enluminure d’un manuscrit de Cîteaux, qui représente une Vierge de tendresse, l’enfant Jésus contre sa joue, la colombe du Saint Esprit sur son auréole et des anges volant alentour.
Parmi les vierges d’inspiration cistercienne je noterai les plus évidentes :
– la Vierge au manteau, appelée aussi la Vierge de miséricorde (vous la trouverez à votre place, à table, sur l’empreinte du sceau cistercien des définiteurs que Patricia a pu acquérir récemment)
– la Vierge allaitante, Vierge mère qui nourrit les moines, Vierge mère (Cîteaux) qui protège ses filles…
– la Vierge de tendresse.
Comme toutes les autres abbayes, la nôtre a été dédiée à « Notre-Dame de Preuilly ». On l’appelle aujourd’hui « Notre Dame du Chêne », nous la connaissons depuis que nous sommes nés, mais nous ne savons rien d’elle… Il est grand temps que l’on fasse l’histoire de cette Vierge, dont la légende s’est emparé… Ce sera l’occasion de chercher à connaître les représentations mariales de toutes les autres abbayes cisterciennes et, pourquoi pas, d’organiser des expositions dans le sillage de celle qui présente, en ce moment à la Cité du Patrimoine, neuf moulages sous le titre : « Les Vierges à l’enfant »
Nous voudrions enfin mettre à la disposition des chercheurs un fonds de bibliothèque spécialisé. Outre les usuels et les périodiques que tout le monde connait, je voudrais regrouper à Preuilly, de manière systématique, les thèses soutenues sur les cisterciens, les actes des colloques, trop souvent mal connus comme celui qui s’est tenu, à Rouen, en janvier 2009, « Marie et la fête aux Normands ».
Nous demanderons aide et conseil au Père Longère qui est en train de constituer un centre de documentation, un peu semblable à celui que nous envisageons, mais à Lourdes.
Quels seront les partenaires du CERAP ?
Commençons par les historiens, qu’ils soient universitaires ou membres des sociétés savantes, puisque nous avons la preuve qu’elles sont vigoureuses et qu’elles nous ont donné l’élan premier ; merci à vous !
Evidemment les animateurs de sites cisterciens, mais aussi les autres centres de recherche. Puisque nous avons la chance d’avoir avec nous Monsieur Barbier du Collège des Bernardins, dont le rayonnement est déjà immense, nous oserons nous placer dans l’ombre de ce prestigieux centre culturel tout récemment créé. Nous solliciterons le CERCOR, établi de longue date à l’université de Saint-Etienne, le Centre Européen de Recherche sur les Congrégations et les Ordres Religieux, de renommée mondiale, avec plus de 5400 références. Enfin évidemment, le CERCIS, de création plus récente, mais qui regroupe, à Cîteaux, quantité d’archives.
Il existe à l’Abbaye d’Heiligenkreuz un immense centre européen de documentation cistercienne, il existe à Rome une chaire Benoit XII, Benoit XII était un cistercien qui est
devenu Pape et la chaire Benoit XII se consacre à l’étude des cisterciens, l’Université de Metz développe un séminaire sur les cisterciens…
Tout cela doit être mis en réseau
Quel sera le financement du CERAP ?
Le CERAP dépend de l’ARAP ; il en est l’activité phare. C’est donc l’ARAP qui recherchera les financements, examinera les projets, attribuera les budgets exactement comme dans toutes les associations.
En terminant, je veux vous remercier au nom de toute la famille. Nous sommes tout petits-petits, nous allons commencer modestement, mais, avec vous, nous pouvons grandir très vite et nous vous remercions de nous y aider.
Yves Husson : président de l’ARAP
Avant de passer à table, et avant que certains d’entre vous ne nous quittent, contraints par leur obligations, et notamment certains élus, je veux dire un mot de l’environnement…physique.
Nous serions désireux, et il serait souhaitable, que puisse s’ouvrir une réflexion sur l’éventuelle création d’une Z.P.P.A.U.P. [Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager] qui permettrait de protéger le vallon de toute nuisance et, pour cela, nous avons besoin de votre appui et de votre intervention Mesdames et Messieurs les élus.
Merci